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Printemps de la ruralité : « En Corse, nous œuvrons depuis 15 ans pour développer les territoires ruraux »


Nicole Mari le Mercredi 24 Janvier 2024 à 09:33

La ministre de la Culture, Rachida Dati, a lancé, lundi dernier, lors d’un déplacement à Nontron en Dordogne, le « printemps de la ruralité », une concertation nationale sur l'offre culturelle pour désenclaver la culture dans les territoires ruraux. Deux personnalités seront désignées pour y réfléchir et des Assises nationales de la culture en milieu rural seront organisées dans deux mois pour valider une feuille de route. Réaction, pour Corse Net Infos, de Christian Andreani, président du Centru culturale San Martinu Corsica et créateur dès 2008 du Festivale di a ruralità, projection sur le territoire corse d’A Via San Martinu, itinéraire culturel européen labellisé par le Conseil de l’Europe.
CNI avec l’AFP.



Christian Andreani, président du Centru culturale San Martinu Corsica et créateur du Festivale di a ruralità et d’A Via San Martinu. Photo JB Andreani.
Christian Andreani, président du Centru culturale San Martinu Corsica et créateur du Festivale di a ruralità et d’A Via San Martinu. Photo JB Andreani.
« La culture, c'est normalement ce qu'il y a de plus démocratique. Dans les faits, cela ne l'est pas tant que ça... L'exclusion n'est pas qu'en banlieue. Les zones rurales sont aussi les grandes oubliées ». C’est à Nontron, un bourg d'environ 3 000 habitants en Dordogne, son deuxième déplacement ministériel depuis sa récente prise de fonction, que la ministre de la Culture, Rachida Dati, s’est adressée aux « 22 millions de Français qui vivent dans la ruralité » pour annoncer le lancement du « Printemps de la ruralité ». Cette concertation nationale vise à « susciter et partager un grand nombre de contributions sur la place de la culture dans les territoires ruraux et le rôle que l'État peut jouer en appui des collectivités », a-t-elle expliqué. Deux personnalités seront prochainement désignées pour contribuer à la réflexion et des Assises nationales de la culture en milieu rural seront organisées dans deux mois pour « valider une feuille de route ». Rachida Dati a également déclaré que le programme d'études délocalisé de l'ENSAD (École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris), cofinancé par l'État, serait étendu à quatre autres territoires autour du design des massifs montagneux, ainsi que des mondes forestiers, littoraux et insulaires dans des lieux restant à déterminer. Déjà, après sa première sortie en banlieue parisienne, la ministre avait donné le ton : « La culture est un enjeu majeur d’éducation et de cohésion sociale », prônant « l’accès à la culture pour tous et l’accès aux métiers de la culture pour tous ». A Nontron, elle a enfoncé le clou : « Il faut que le ministère de la Culture désenclave. Il faut qu'il s'ouvre. La culture ce n'est pas Paris, même si je suis élue parisienne. Il faut s'ouvrir, il faut accepter que la culture, ça peut venir par le bas ».
 

La parole aux territoires
Le réveil des territoires ruraux autour d’un patrimoine commun, de la notion de partage et d’un écotourisme lent et durable, c’est le mantra que martèle et développe inlassablement depuis plus de 15 ans, Christian Andreani, président du Centru culturale San Martinu Corsica et créateur dès 2008 du Festivale di a ruralità. Ce festival, qui trace les contours d’A Via San Martinu, l’itinéraire culturel labellisé par le Conseil de l’Europe sous le nom « A Via Sancti Martini », déclinera cette année sa 16e édition dont la programmation sera dévoilée sous peu. « Cela fait bien longtemps qu’en Corse, nous avons pris conscience de l’importance de l’enjeu de la culture et du patrimoine dans les territoires ruraux et de montagne. C’est pour cela qu’en 2008, j’ai créé u Festivale di a ruralità qui a démarré à Patrimoniu et qui, aujourd’hui, rayonne toute l’année sur l’ensemble de la Corse et qui s’étend même à certains territoires français et européens, comme Tours, Pau, Utrecht ou les Dolomites. Depuis 15 ans, nous travaillons sur ce projet avec de nombreux relais locaux sur des problématiques qui me paraissent aujourd’hui essentielles pour l’avenir des territoires ruraux. Le cadre de vie, qu’ils devraient offrir à la population en termes d’équipement et l’acuité des problématiques liées au changement climatique avec la déconcentration urbaine vont dans le droit fil du développement durable. Évidemment, la culture doit être un des moteurs de ce développement », réagit Christian Andreani. « Il est enfin temps de donner la parole aux territoires ruraux ».
 

Le modèle corse
Concernant la concertation nationale sur le désenclavement de l’offre culturelle proposée par Rachida Dati, il se montre favorable à l’initiative ministérielle, mais reste prudent et attend de voir sa déclinaison sur le terrain. « Je pense que c’est une bonne chose que le gouvernement se préoccupe de travailler sur la réduction de la fracture entre le monde rural et le monde urbain. S’emparer de cette problématique est un acte éminemment politique qui semble aller dans le bon sens. La culture et le patrimoine vont peut-être nous aider à répondre à certains problèmes sociétaux auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui ». Quand aux contributions sur la place de la culture dans les territoires ruraux qu’appelle de ses vœux la ministre de la Culture, Christian Andreani estime que la Corse est déjà en la matière un territoire pilote. « Nous avons une culture spécifique, originale, d’une grande amplitude. Nous avons un patrimoine matériel et immatériel unique qui s’est constitué sur plusieurs siècles. Nous sommes partis de ce patrimoine et du territoire Nebbiu-Conca d’Oru, qui était une sorte de laboratoire, y compris en termes de liens entre culture et agriculture et de valorisation du territoire par ses ressources propres, façonnées par l’histoire, pour commencer à créer un réseau rural sur l’île. En tant qu’acteurs culturels, et avec notre expertise des territoires ruraux, nous sommes donc prêts à apporter notre contribution à cette concertation. Surtout que nous travaillons sur un itinéraire culturel du Conseil de l’Europe « À via san Martinu », directement fléché sur les territoires ruraux. La Corse doit impérativement participer aux Assises nationales prévues dans deux mois ». Quant au rôle que pourrait jouer l’État : « Cela dépendra de ce qu’il envisage de faire, mais de toute façon, pour nous, il ne pourra agir qu’en collaboration avec la collectivité de Corse ». 
 
Nicole MARI.